Voyage en terre connue

Crédit photo: Adeolu Eletu 

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I 20.10.24 I ALAIN ZHANG

« Tu vois comment ton grand-père était beau ? Il tenait ça de ton arrière-grand-mère »

Je demande à ma tante de me montrer les quelques photos qu’il lui reste. Je n’ai jamais entendu parler de mon arrière-grand-mère, et très peu de mon grand-père. Cette phrase me fait cogiter. Est-ce moi qui ne me suis pas assez intéressé à mon histoire familiale ? Est-ce la fameuse pudeur asiatique ? Est-ce que les souvenirs de la révolution culturelle sont trop douloureux ? Tant de questions m’envahissent. Je respire un coup. Je me remémore pourquoi je suis venu et suis décidé à vouloir mieux connaître mon histoire familiale.

« Tu vois comment ton grand-père était beau ? Il tenait ça de ton arrière-grand-mère »

Je demande à ma tante de me montrer les quelques photos qu’il lui reste. Je n’ai jamais entendu parler de mon arrière-grand-mère, et très peu de mon grand-père. Cette phrase me fait cogiter. Est-ce moi qui ne me suis pas assez intéressé à mon histoire familiale ? Est-ce la fameuse pudeur asiatique ? Est-ce que les souvenirs de la révolution culturelle sont trop douloureux ? Tant de questions m’envahissent. Je respire un coup. Je me remémore pourquoi je suis venu et suis décidé à vouloir mieux connaître mon histoire familiale.

Genèse

Contexte : Mes deux parents sont Chinois, et ont immigré en France dans les années 80 pour des raisons économiques. Je suis né, ai grandi et ai vécu toute ma vie à Paris.

Tout commence en 2020, pendant le Covid. Je prends violemment conscience de ma racialisation après 25 ans de vie et d’études dans le privé, entouré de blancs. La montée du racisme anti-asiatique sur les réseaux, les vidéos d’agressions, notamment en France, UK, Etats-Unis, Australie, et les agressions que je subis en France sont un électrochoc pour moi. Dès que je visionne ces images ou que je vis ces moments, c’est une colère, une rage si forte qui bouillonne en moi et qui me donne envie de crier, d’insulter, de frapper, accompagné d’une étrange obsession d’humilier les agresseurs.

Je prends vite conscience de ma position privilégiée en échangeant avec d’autres personnes racisées. Déjà, je suis un homme. Je suis grand même si un peu maigre, j’ai confiance en moi, ai fait de bonnes études, mène une vie sociale bien remplie, très parisienne, très intégrée dans l’écosystème Paris Est / Paris Nord. J’ai toujours fait partie des « cool kids » à l’école, au lycée, en école de commerce (oui oui). Tout ça contribue d’autant plus à ma rage et ma colère. J’ai toujours été plutôt bien assimilé et intégré, et je m’en veux énormément d’avoir autant fermé les yeux (ou ne pas les avoir ouverts ?) alors que j’étais dans une position privilégiée (ce que je vais beaucoup reprocher plus tard aux Blancs – les hommes surtout). La quête identitaire débute.

« Fast forward » 4 ans plus tard. Après ces années d’introspection, de quête identitaire, de thérapie, je sens que c’est le moment de retourner en Chine avec un objectif différent. J’ai envie de mieux me connaître, j’ai besoin de mieux me connaître. De mieux connaître cette partie de moi à laquelle j’ai été assigné toute ma vie, mais que finalement je ne connais que superficiellement. Qui suis-je ? Quelle personne suis-je dans mon autre pays ? Quel décalage y a-t-il entre ma vision (sûrement) fantasmée du pays et la réalité ? Quelle saveur a cet autre chez moi ? Comment je m’y sens ?

Toutes les personnes racisées le savent, la blanchité de l’expérience universelle en Occident ne nous permet pas d’exister à notre manière. Nous existons à travers ce que les Blancs projettent sur nous. Nous sommes systématiquement renvoyés à notre couleur de peau, notre nom, et tous les stéréotypes qui vont avec, en « bien » ou en mal, dans tout ce que l’on vit et tout ce que l’on fait. La Chine m’attire de plus en plus et je sens un appel du cœur. C’est plus fort que moi. Je veux y retourner, mieux maîtriser le mandarin, me familiariser avec la famille qu’il me reste sur place, comprendre notre histoire et notre culture de plus de 5000 ans. Essayer de mieux comprendre l’environnement dans lequel j’ai grandi (mes 2 parents sont de la « 1ère génération »). Pourquoi chez moi c’est comme ça, et pas chez les autres ? Pourquoi dit-on telle chose de nous ? Pourquoi pense-t-on différemment ? Pourquoi tout est différent ? Cette envie me démange, ça en devient insoutenable. L’envie de correspondre au cliché et d’en être fier. Crier ma différence sur les toits. Faire fermer des bouches.

Crédit photo: Alain Z

« Alors j’y vais. C’est décidé. Je quitte mon taff, mon appart, ma ville, mes proches, pour aller essayer de mieux me comprendre, apprendre de ma culture, et tenter d’être un peu plus en paix avec moi-même. Ce ne sont que 6 mois : 1 semestre de cours de mandarin dans une université, et le reste sera pour voyager. Ce n’est pas la première fois que je pars seul, mais cette fois c’est différent. L’aspect spirituel et la place que cela prend dans mon cheminement personnel et ma quête identitaire apportent une dimension absolument vertigineuse à ce voyage. « Mais qu’est-ce que je fous bordel ? » Ô combien de fois me suis-je posé cette question les dernières semaines avant mon départ. C’est la première fois que je vais (ou que je rentre ? « 回国 » huíguó, littéralement “rentrer au pays”  ont toujours dit mes parents) seul dans mon pays, pour une période aussi longue. J’avais l’habitude d’y aller régulièrement mais toujours de vivre au rythme de mes parents : passer l’après-midi chez une tante, manger chez l’autre, aller visiter tel endroit, loger dans tel hôtel, dîner dans tel restaurant, etc. Finalement je n’y ai jamais été confronté seul, et n’ai jamais réellement réfléchi à ce que j’avais envie de faire ou voir dans ce pays, et tout simplement être moi-même.Alors j’y vais. C’est décidé. Je quitte mon taff, mon appart, ma ville, mes proches, pour aller essayer de mieux me comprendre, apprendre de ma culture, et tenter d’être un peu plus en paix avec moi-même. Ce ne sont que 6 mois : 1 semestre de cours de mandarin dans une université, et le reste sera pour voyager. Ce n’est pas la première fois que je pars seul, mais cette fois c’est différent. L’aspect spirituel et la place que cela prend dans mon cheminement personnel et ma quête identitaire apportent une dimension absolument vertigineuse à ce voyage. « Mais qu’est-ce que je fous bordel ? » Ô combien de fois me suis-je posé cette question les dernières semaines avant mon départ. C’est la première fois que je vais (ou que je rentre ? « 回国 » huíguó, littéralement “rentrer au pays”  ont toujours dit mes parents) seul dans mon pays, pour une période aussi longue. J’avais l’habitude d’y aller régulièrement mais toujours de vivre au rythme de mes parents : passer l’après-midi chez une tante, manger chez l’autre, aller visiter tel endroit, loger dans tel hôtel, dîner dans tel restaurant, etc. Finalement je n’y ai jamais été confronté seul, et n’ai jamais réellement réfléchi à ce que j’avais envie de faire ou voir dans ce pays, et tout simplement être moi-même.

Je me prépare mentalement au maximum. Je fais une petite fête avec mes potes. Je profite de ma copine. Je passe du temps avec mes parents qui me soutiennent à fond dans ma démarche, mais je ne sais pas s’ils perçoivent la nécessité et l’aspect thérapeutique de ce voyage pour moi. Je vois une dernière fois ma psy, qui m’a accompagnée dans tout mon cheminement. J’essaie de ne pas me projeter, ne pas avoir d’attentes, de ne pas trop espérer de réponses, de laisser place à l’imprévu, mais aussi de me laisser une porte de sortie : si c’est trop, c’est OK de rentrer. Mais au fond il y a toujours cette petite voix dans ma tête qui espère très fort qu’en revenant je serai plus apaisé et que ce voyage sera une étape décisive dans ma vie et ma construction personnelle.

11h de vol plus tard, j’atterris à Shanghai. 35 degrés, humidité maximale, la chaleur est presque insoutenable. Ma cousine vient me chercher et on file chez ma tante et mon oncle maternels chez qui je vais loger. J’ai choisi de rester chez eux pour pouvoir être en immersion totale, tel un étudiant chez ses parents, et essayer de rattraper les moments de famille que je n’ai jamais vécus en grandissant en France, loin d’eux.

Crédit photo: Alain Z

Imposture et terreur permanente

De toute évidence, je suis perçu comme un étranger, comme ça a toujours été le cas en Chine. Toutes les personnes issues de l’immigration en font le constat : de retour au pays, notre manière de nous habiller, nous mouvoir, notre énergie, tout est fait pour nous trahir en tant qu’expatrié, alors même nos gènes et notre sang stipulent 100% local.

À l’heure actuelle ma plus grande frustration est de parler le mandarin basique de manière très fluide, sans fautes ni bégaiement. Les Chinois me répondent donc complètement normalement, et s’étonnent que je ne comprenne pas certains mots. Comme beaucoup de personnes issues de l’immigration, je parle le mandarin « maison », uniquement chez mes parents (et encore, c’est quand je fais l’effort). Autrement, je ne parle jamais mandarin, ne regarde pas de séries ni de films en mandarin, n’écoute pas de musique en mandarin, et globalement cette langue est inexistante en dehors des conversations que je peux avoir avec mes parents. Qui plus est, j’ai toujours parlé français dès que je n’arrivais pas à m’exprimer. Finalement, mon accent est plutôt juste, mais mon vocabulaire franchement limité, ce qui réduit souvent ma compréhension à un niveau superficiel.

Exemple, tiens. Au bar, je peux parfaitement parler aux serveurs, faire 2-3 blagues, commander, re-commander, payer, et passer pour un « vrai » Chinois. Mais lorsque le serveur me dit que je peux avoir 1 boisson offerte si j’achète un coupon que je peux obtenir en adhérant à un groupe, alors là il n’y a plus personne et je switch en anglais, au grand dam des serveurs. À ce moment, ça ne se voit pas mais j’ai terriblement honte de ne pas comprendre. J’ai encore plus peur de dire que je ne comprends pas.

Qui plus est, pour rajouter un degré de difficulté de compréhension, absolument tout est différent ici. Au début, il est très difficile de se fier au contexte pour comprendre. Les gens vivent, mangent, boivent, marchent, travaillent, s’amusent différemment. Tous mes repères sont chamboulés. Je dois capter comment tout fonctionne. Les outils Google et Meta sont bannis (Messenger, Whatsapp, Gmail, Instagram, Maps, etc.), la carte VISA est inutilisable, le cash n’existe plus. Tout passe par des « super apps » comme Wechat et Alipay. QR Code, reconnaissance faciale, tout y est. La technologie est une religion, le téléphone est son dieu.

Crédit photo: Alain Z

En termes de culture, je suis venu pour apprendre, et j’essaie de me le répéter à chaque instant. J’essaie de ne porter aucun jugement et de me défaire au maximum de mon prisme occidental. Les mœurs sont différentes. Les notions de politesse, respect et civisme sont différentes. On ne traite pas tout le monde de la même manière. Les gens n’ont pas les mêmes habitudes. On ne s’énerve pas pour les mêmes choses. Le blanctriarcat n’existe plus. Le sexisme est très ancré. Le militantisme est absent dans l’espace public.

En tout cas, sur ce premier mois, le syndrome de l’imposteur est réel. Je le savais mais je l’ai largement sous-estimé. J’ai du mal à passer outre les remarques de tous ceux qui me disent que je dois être fort en mandarin vu que je le parle à la maison. Même les profs s’y mettent. « Ça devrait être facile les cours pour toi ! » « Tu dois connaitre la plupart de ces mots non ? » La honte. La giga honte. J’ai beau me répéter que j’ai grandi dans un autre pays où l’assimilation fait foi, que je maitrise le français, l’anglais, l’espagnol mieux que le mandarin que je n’ai jamais vraiment étudié, j’ai du mal à passer outre ce sentiment de honte, et j’ai parfois envie de m’enterrer très profond. Au restaurant, dans la rue, partout, j’ai peur de ne pas comprendre, et de dire que je ne comprends pas. J’ai peur du regard que l’autre va porter sur moi. Avec ma tête de chinois et ma maitrise du mandarin basique, percevoir l’étonnement, ou pire, l’exaspération, car je leur demande de répéter et reformuler me terrifie. Je suis l’enfant qui a grandi loin et qui a oublié ses racines, au point de ne plus pouvoir converser sur place. Je sais que je ne devrais pas avoir honte mais rien n’y fait. Ça a beau être limpide dans ma tête, je sais très bien pourquoi je ne maitrise pas bien cette langue, je n’ai pas encore passé le step de l’accepter ici – car en France je n’ai aucun mal avec ça. Peut-être parce que j’ai les mots pour l’expliquer et que la France est un pays d’immigration ? Dans tous les cas, il n’y a qu’entre moi et moi-même que cela se joue. Ça se dissipe petit à petit, mais très lentement. On m’a tellement fait comprendre que j’étais Chinois (ou Asiatique) en France que maintenant que j’y suis, j’ai honte de ne pas véritablement l’être.

Finalement on revient toujours à ce fameux dilemme des immigrés : étranger en France, français au pays.

Apprentnissages & Baume au coeur

L’hospitalité de ma famille me fait un bien fou. 1er jour. Je suis accueilli comme un fils chez ma tante et mon oncle de +70 ans. Un fils de 12 ans, certes, mais un fils quand même. Ils sont attentionnés et ne veulent surtout pas que je manque de quoi que ce soit, ils m’ont acheté évidemment une tonne de bouffe, mais aussi gel douche, shampoing, brosse à dent, et même de la bière française (dont je n’ai jamais entendu parler aha) pour que je me sente bien. Je suis hyper touché. Malgré leur âge, ils me disent que c’est ma maison, que si j’ai besoin de quoi que ce soit, ils s’en occuperont. Ils m’accompagnent à l’université alors qu’il fait 35 degrés, ont peur que je me perde dans le métro (alors qu’il est largement mieux foutu qu’à Paris), m’emmènent manger dehors, visiter des coins mignons, me racontent comment la ville a évolué sous leurs yeux. Je n’aurais pas pu demander mieux. Ici, la famille est le ciment de la société. Le lien du sang est ce qu’il y a de plus précieux. Et ça se ressent. En France, la société est beaucoup plus individualiste. Ça me fait penser à des discussions qu’on avait eu en vacances chez un pote au Maroc en comparant les mœurs des deux pays. La double culture à son paroxysme. J’entends parfois des propos que je ne tolérerais jamais en France, mais je ne dis rien. Ne pas juger. Ne pas juger. Ne pas juger. Écouter. Comprendre. Apprendre.

Je suis agréablement surpris car malgré tout, ils me laissent beaucoup d’espace. Je m’efforce de toujours dîner avec eux. Ils n’ont pas l’habitude de manger beaucoup le soir, et mettent beaucoup d’énergie dans la cuisine pour me faire goûter des plats différents, ce qui me touche d’autant plus. Je sens qu’on est tous contents de passer ces moments ensemble, de papoter de tout et n’importe quoi. Je suis en immersion totale et à table l’heure est aux histoires.

Je bafouille beaucoup au début, mais mon mandarin se fluidifie au fil du temps. C’est épuisant de toujours devoir converser dans une langue qui n’est pas bien maîtrisée, mais j’apprends tellement de choses. Sur ma famille, sur la culture, la langue, et je sens que je commence à obtenir beaucoup d’éléments de réponse. J’apprends notamment qu’une partie de ma famille, dont ma tante et mon oncle, a été envoyé dans les champs et à l’usine pendant la révolution culturelle. Ils me racontent. Tous les étudiants du pays sont dispersés dans les quatre coins de la Chine pour apprendre la valeur du « vrai » travail selon Mao. Les bourgeois et propriétaires sont pointés du doigt. Ils sont humiliés publiquement, leurs maisons sont pillées. Ma tante et mon oncle ont été envoyés dans le nord de la Chine à 2300km de chez eux, soit Paris-Istanbul. 10 ans dans le 黑龙江 Hēilóngjiāng, à labourer la terre, par -30° l’hiver. Se réveiller tous les matins avec les cils gelés. Travailler du lever au coucher du soleil. Manger un bol de riz par jour. Dormir sur un tapis, 10 personnes alignées, avec un feu en dessous pour réchauffer la pièce. Manger grâce à des coupons. Avoir faim. Ils me racontent qu’ils connaissent des gens qui sont morts de faim pendant la grande famine. J’écoute avec beaucoup d’attention ces témoignages d’une période sombre de l’histoire contemporaine de la Chine et me rends compte de l’avancée absolument phénoménale du pays en termes de réduction de la pauvreté et de développement économique. C’est peut-être ça que ressentaient mes potes quand on parlait de la guerre en cours d’histoire. C’est fou comme l’Histoire est tout de suite plus intéressante quand ça nous concerne.

On va chez ma grand-tante qui a fêté ses 100 ans cette année. C’est difficile de communiquer. Elle est un peu sourde et ne parle plus que le dialecte de Shanghai que je ne comprends pas. Elle m’observe longuement, et cherche probablement à reconnaître certains traits de mon grand-père sur mon visage (qui était le frère de son mari, aujourd’hui, tous deux décédés). Elle s’occupe de distribuer les fruits, le thé, et s’assure qu’on ait de quoi manger et boire alors même qu’elle n’arrive pas bien à marcher. L’hospitalité, la famille, la nourriture, toujours. Elle me montre des photos de famille, que je découvre. Mon grand-père avait un appareil photo, ce qui était extrêmement rare à l’époque. Je vois des photos de toute ma famille. Il y a ma mère, toute jeune. Il y a aussi mon grand-père. Beau gosse. Méga beau gosse.

Crédit photo: Alain Z

Et je vois tous les anciens de ma famille, jeunes, beaux, dans une Chine encore très peu développée. En feuilletant l’album, ma tante me raconte les histoires derrière chaque photo, des histoires que je découvre. Notamment une photo qui a été prise la veille de son grand départ pour le nord de Chine pendant la révolution culturelle. Il y a son père, ses sœurs, et ma mère (sa cousine) encore bébé, et juste derrière sa valise. Les histoires sont passionnantes et témoignent d’une époque qui paraît tellement lointaine, rustique et si pauvre, mais qui ne datent finalement que des années 60-70. Je lève la tête. Merde, ma tante a les larmes aux yeux. J’étais tellement absorbé par ses histoires que j’ai oublié les souvenirs douloureux que ça peut provoquer.  J’ai envie d’en savoir plus, de voir plus de photos, qu’on me raconte plus d’histoires, mais ce sera tout pour aujourd’hui. Et peut-être pour toujours aussi.

Je passe également beaucoup de temps avec ma cousine, qui a la quarantaine, célibataire, sans enfants. J’adore passer du temps avec elle, on rigole beaucoup. On fait du sport ensemble, elle me fait rencontrer ses potes, on va au resto, on boit des coups. J’apprends l’argot mandarin. J’ai l’impression qu’on se comprend, même si quand on parle de sujets plus profonds, le vocabulaire me manque. Elle traîne dans les coins cools de Shanghai. Ses potes ont la trentaine et la quarantaine, aiment sortir, manger, boire, j’ai l’impression qu’on se ressemble beaucoup. Elle veut qu’on parte en week-end, et j’ai envie de passer du temps avec elle mais j’ai peur d’être intrusif car sa vie sociale semble bien remplie. C’est la tata (même si cousine) cool, gentille, bienveillante, que je n’ai jamais eue.  Elle pense à me donner de l’antimoustique le premier jour où j’arrive, et toujours un truc à manger, à boire, à s’assurer que tout est ok. Ces moments avec elle me font un bien fou. J’ai l’impression qu’on doit rattraper le temps perdu.

Après 1 mois sur place, je savoure les moments précieux que je passe avec chaque personne ici. Je sais que tout ça sera fini dans quelques mois. Famille, amis, nouveaux amis, au fond de moi je ressens que le temps passé ici est en train de combler un vide. Que même si je n’obtiens pas tout ce que je suis venu chercher, je rattrape le temps perdu. J’apprends tous les jours, je grandis, et je sens que ça m’apaise. Quelques questions commencent à me titiller quant à mon retour, mais pour l’instant je me concentre sur le moment présent et chéris chaque instant passé dans cet environnement qui petit à petit devient mon autre chez moi.

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