Kuleya, l’association qui entend fédérer et promouvoir les communautés est-africaines

I 01.05.21 I CHIGUECKY NDENGILA

L’Érythrée, la Somalie, le Burundi, le Rwanda, Djibouti, le Kenya sont d’autant de pays d’Afrique de l’Est dont on entend peu parler en France par comparaison aux pays d’Afrique de l’Ouest ou encore du Maghreb. Les communautés issues de ces pays sont souvent des minorités parmi les minorités et occupent a fortiori peu de place dans l’espace public et l’imaginaire collectif. Ces pays ont une histoire individuelle lourde, marquée par la colonisation, les guerres civiles, voire les génocides comme le génocide rwandais. C’est dans ce contexte social et historique complexe que l’association Kuleya est née. L’association Kuleya a été créée en 2017 par deux jeunes sœurs d’origine centrafricaine et burundaise, Divine, 25 ans et Liesse, 22 ans, soutenues par une vingtaine de bénévoles dont Betty, 25 ans, secrétaire générale d’origine congolaise (RDC). L’association dont le nom signifie “éduquer” en swahili est portée par une forte ambition, née de plusieurs constats. 

Des pays marqués par des blessures profondes 

Les pays d’Afrique de l’Est sont marqués par des conflits armés, des guerres civiles, des génocides, des tensions entre ethnies qui ont pendant trop longtemps freiné le développement de ces pays et créé une fracture profonde entre les communautés. 

L’Érythrée et l’Éthiopie ont par exemple été marqués par une guerre d’indépendance suite à l’annexion de l’Érythrée à l’Éthiopie après la défaite des colons italiens durant la Seconde Guerre Mondiale. Le traité de paix entre l’Érythrée et l’Éthiopie n’a été signé qu’en 2018 tandis que l’Érythrée est indépendante depuis 1993 à la suite d’une guerre d’indépendance qui a débuté en 1962.

Photo :  St. George Church, Lalibela, Éthiopie © Mulugeta Wolde

Le Soudan a, quant à lui, connu plusieurs guerres civiles et la seconde qui a duré de 1983 à 2005 fut l’une des plus longues et des plus meurtrières du 20e siècle avec au moins 2 millions de morts. Le nombre de civils victimes de cette guerre est le plus élevé depuis la Seconde Guerre Mondiale.

Photo :  Soudan © Yusuf Yassir

Au Rwanda, une guerre civile est déclenchée en 1990 par des extrémistes hutus. Elle opposera les Hutus (peuple bantoue d’Afrique centrale et majoritaire au Rwanda et au Burundi) et les Tutsis (communauté habitant la région des Grands Lacs africains) et donnera lieu au génocide de ces derniers, l’un des 4 génocides du 20e siècle reconnu par les organisations internationales. Ce crime contre l’humanité qui a eu lieu entre le 7 avril et 17 juillet 1994 a officiellement fait entre 800 000 et 1 000 000 de morts. 

Photo :  Kigali, Rwanda © Maxime Niyomwungeri

Dépasser les divergences et les tensions inter-communautaires, fédérer et rassembler ces communautés marquées par un lourd passé, c’est l’ambition de l’association Kuleya, convaincue que l’union fait la force et que l’éducation et le maintien de la transmission de ces cultures doivent l’emporter sur les conflits et les fracture du passé.

Des communautés sous-représentées 

Avant la naissance de Kuleya, il était rare que Divine rencontre des personnes d’origine burundaise en dehors de son cercle familial. Il était tout aussi rare qu’elle rencontre des personnes qui savaient placer le Burundi sur une carte. C’est que les communautés d’Afrique de l’Est sont peu représentées en France. Certains de ces pays comme le Kenya, la Tanzanie ou l’Ouganda ayant été colonisés par les Anglais, leurs communautés sont plus présentes dans les pays anglophones qu’en France. Ces pays sont aussi plus petits et moins peuplés que des pays comme l’Algérie ou la République Démocratique du Congo qui fait près de 85 fois la superficie du Burundi. Comme toutes communautés peu représentées, elles sont peu connues, mal comprises et donc enfermées dans les carcans de l’ignorance.

Miss East Africa Diaspora

À travers Kuleya, Divine, Liesse et Betty entendent pallier ce manque de représentation et faire connaître la diversité et la richesse qui émanent de la diaspora est-africaine. Partager leur culture à toutes personnes intéressées, mais aussi à la diaspora qui faute de ressources ou d’échanges sur des sujets tabous en sait parfois peu sur sa culture d’origine. L’association organise ainsi des activités culturelles dans le but de faire rayonner la culture et les communautés d’Afrique de l’Est. Une de leur initiative est l’organisation du concours de beauté Miss East Africa Diaspora qui veut mettre en avant la femme est-africaine et qui reste un prétexte pour continuer d’éduquer et d’apprendre sur les différentes communautés de cette région méconnue du monde. C’est d’ailleurs le concours de beauté Miss Africa qui fut un déclic moteur de la création de l’association. La sensation qu’il fallait aller plus loin dans la découverte de ses origines et l’envie de créer des passerelles entre la diaspora et l’Europe ont motivé Divine et Liesse à sauter le pas et créé un concours de beauté à leur image.

Captation et édition © Thu-An Duong pour l’association Kuleya

L’association Kuleya, un projet ambitieux aux multiples facettes

L’association s’attaque donc à des défis de taille. Rassembler une diaspora en reconstruction, l’accompagner et l’amener à dépasser des conflits profonds, donner de la visibilité à une communauté sous-représentée, éduquer et partager sa culture, l’ambition de Kuleya est sans limite. 

L’association intervient donc sur différents plans, de l’action sociale et humanitaire, en passant par la culture, sans oublier l’éducation qui est un pan essentiel de son activité. Mue par l’envie d’éduquer pour mieux transmettre, l’association a organisé en 2018 un gala de charité afin de récolter des fournitures scolaires et de collecter des fonds pour financer son intervention à l’Ecole Fondamentale de Birohe à Gitega, Burundi, école qu’elle continue aujourd’hui d’accompagner avec comme objectif d’améliorer les conditions d’accès à l’éducation d’ici l’automne 2023.

© Croix Rouge Burundi, Gitega, Burundi

Les communautés est-africaines étant peu représentées, il n’est pas toujours simple de trouver et atteindre les membres de la diaspora pour les fédérer autour de ce projet commun. Les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille et l’événementiel (hors pandémie) sont donc au cœur de leur stratégie de développement qui a déjà pour ambition de dépasser les frontières de la France et de toucher toute l’Europe. 

Partager leurs cultures et rassembler sont aussi des moyens pour Divine, Liesse et Betty de casser les stéréotypes et les amalgames attachés à ces communautés et affirmer la pluralité du continent africain. Soutenues par un entourage fier, mais prudent du fait de l’historique de ces pays, Divine, Liesse, Betty et tous les membres de Kuleya sont bien déterminées à se forger une place dans le paysage associatif français, faire rayonner l’Afrique de l’est et promouvoir l’éducation et le savoir, la meilleure arme contre l’ignorance. 

Qu’est-ce qu’on écoute et regarde dans l’association Kuleya ?

On voyage dans le temps en écoutant « Nos Célébrations » d’Indochine. 

On plonge dans le thriller psychologique Mon amie Adèle

On retourne à l’ancienne en se matant Charmed et Vikings.

On s’ambiance sur « Sukari » de Zuchu