PARTIE III : LE COMMUNAUTARISME, UN ÉLÉMENT CLÉ DE NOS CONSTRUCTIONS IDENTITAIRES ?
Crédit photo: Vonecia Carswell
I 12.07.21 I BISSAI MEDIA
Les communautés : des « safe spaces » essentiels pour se construire
La construction identitaire d’un individu « est un processus hautement dynamique au cours duquel la personne se définit et se reconnaît par sa façon de réfléchir, d’agir et de vouloir dans les contextes sociaux et l’environnement naturel où elle évolue ». Cette identité peut se décliner de plusieurs manières. L’identité pour soi et pour autrui, la façon dont on se voit, la représentation de soi, l’estime de soi. La personne qu’on aimerait être, celle qu’on est réellement, celle qu’on montre aux autres. Toutes ces déclinaisons sont grandement influencées par l’entourage privé et les espaces publics. Mais aussi par la culture qu’on acquiert, les récits qu’on lit, les images qu’on voit, les histoires qu’on entend. Quand ces récits et ces images sont limités à une vision unique, souvent négative, il n’est pas étonnant que cela influe sur la construction identitaire et l’opinion personnelle qu’on se fait de soi-même. D’où l’importance d’une représentation juste et plurielle de nos communautés, une représentation qui va au-delà des clichés et des stéréotypes.
Crédit photo: Gemma Chua-Tran
Le besoin de se retrouver entre communautés
Ainsi, le communautarisme en tant que volonté de se retrouver entre membres d’une même communauté émane aussi d’un besoin de s’identifier aux autres, ou plus précisément, à d’autres. S’identifier à ceux qui partagent une histoire commune, mais aussi des problématiques communes. Le terme communautarisme vient d’ailleurs du latin « communis », « cum » signifiant « avec, ensemble » et « munus », « charges, problèmes, dettes ». Le communautarisme regrouperait donc des individus qui se réunissent autour d’une réalité commune pour affronter un même problème. Se distinguer autour d’expériences semblables n’exclut pas pour autant la capacité d’accueillir les réalités et les différences des autres. D’autant plus qu’il est courant d’appartenir simultanément à une diversité de communautés qu’elles soient sociales, économiques, de genres ou de race au sens sociologique du terme.
Trouver sa place quand on est à l’intersection de plusieurs communautés
Il existe donc une multitude de communautés, même si on fait le plus souvent référence aux minorités ethniques. Ces communautés ont tendance à être envisagées comme des catégories distinctes et imperméables les unes aux autres. Pourtant, il y a bien des personnes qui se définissent à partir d’une pluralité d’appartenances communautaires. Et parfois, ces mêmes personnes peuvent être confrontées au rejet parce qu’elles se situeraient à l’intersection entre deux ou plusieurs communautés.
Si, comme évoqué, les divisions intercommunautaires sont multiples, il existe aussi des divisions intracommunautaires. Le fait d’être « métis·se » ou « eurasien·ne » par exemple, sous-entend ne faire partie de la communauté racisée qu’à moitié, ou du moins différemment des autres.
Pas vraiment blanc·he, ni assez noir·e
Crédit photo: Nowah Bartscher
On peut prendre l’exemple assez tabou de la question de l’appartenance des personnes dites « métisses » au sein de la communauté noire. Cette question divise et interroge. Il y aurait au sein de nos communautés racisées, comme un besoin de figer ces catégories raciales pour des questions de loyauté et d’appartenance unique. Cette crainte d’une duplicité vis-à-vis des personnes métisses, tient à la reconnaissance de leur double appartenance raciale. Mi- blanc·he, mi- noir·e. Les deux à la fois. Ni l’un ni l’autre. L’un plus que l’autre. Potentiellement pas tout à fait l’un, et donc pas tout à fait noir·e, voire pas du tout. Ce caractère double de l’appartenance s’assimilerait à un double jeu, une double attitude. Elle aboutirait à un·e noir·e pas tout à fait entier·e, valable ni loyal·e.
La difficulté pour les personnes métisses à se définir sur le plan identitaire peut-être extrêmement significative. Beaucoup sont tiraillées par le fait de devoir se positionner. D’autant plus que cette construction de l’identité se voit souvent empiétée par l’avis d’autrui. Il y a une dimension parfois imposée aux personnes métisses, que l’autre, qu’iel soit noir·e ou blanc·he, sait mieux qu’elles·eux ce qu’iels sont et à quelle communauté iels appartiennent. « Non mais toi, t’es clairement un·e light skin, t’es pas noir·e. », « Pourquoi tu te revendiques comme noir·e alors que tu ne l’es pas ? ».
Malgré cette difficulté à s’identifier sur le plan communautaire, le besoin de se rattacher et de s’étiqueter demeure pour beaucoup. Lorsqu’il y a intersectionnalité des communautés, l’autodétermination apparaît souvent comme un bon moyen de se définir sur le plan identitaire, qu’elle aboutisse à une pluri appartenance assumée ou à un délaissement des étiquettes. Cependant, elle reste parfois insuffisante car rejetée et inconsidérée par certaines communautés. À chacun alors de trouver, voire créer son propre « safe space », sa ou ses communautés où iel se sent bien., accepté.e et aimé.e à sa juste valeur.