Les violences policières en France : un héritage colonial 

Crédit photo: Chiguecky Ndengila

I 21.09.23 I Luana Paulineau

La question des violences policières en France est un sujet d’actualité qui suscite de vifs débats au sein de la société. Pour comprendre cette problématique complexe, il est essentiel de reconnaître son lien profond avec l’histoire coloniale du pays. Si l’on ne prend pas en compte cette histoire, il devient difficile de comprendre pourquoi le nombre de personnes trouvant la mort dans des interactions avec des policiers en France est aussi élevé.

I 21.09.23 I Luana Paulineau

La question des violences policières en France est un sujet d’actualité qui suscite de vifs débats au sein de la société. Pour comprendre cette problématique complexe, il est essentiel de reconnaître son lien profond avec l’histoire coloniale du pays. Si l’on ne prend pas en compte cette histoire, il devient difficile de comprendre pourquoi le nombre de personnes trouvant la mort dans des interactions avec des policiers en France est aussi élevé.

« Ce que la France et l’Europe ne pardonnent pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est le crime contre l’homme blanc, c’est l’humiliation de l’homme blanc. »

Souligne Aimé Césaire dans Discours sur le colonialisme. Cette citation résonne encore aujourd’hui, soulignant comment le racisme au sein des forces de police est profondément enraciné dans le système colonial français.

Crédit photo: Chiguecky Ndengila

La récente tragédie qui a coûté la vie à Nahel à Nanterre le 27 juin 2023 nous rappelle durement l’existence d’un lien profond entre les violences policières actuelles et l’histoire coloniale du pays. Dans une interview au journal Le Monde, le maître de conférences en science politique de l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Emmanuel Blanchard, précise que la France a une histoire longue de racialisation de l’emprise policière. Pendant la période coloniale, c’était une grande puissance, et de nombreuses personnes issues des anciennes colonies venaient chercher du travail en métropole. Cependant, ces immigrants étaient largement considérés comme indésirables, en particulier dans le cas de l’immigration algérienne. Cette histoire coloniale a laissé une empreinte profonde sur la manière dont la police française interagit avec les populations issues des anciennes colonies.

Depuis des années, les vidéos choquantes d’agressions et de décès de personnes racisées sont devenues monnaie courante, tandis que l’on peine à trouver des images similaires mettant en cause des personnes blanches. Cette disparité flagrante reflète la déshumanisation persistante des corps racisés. Les statistiques montrent que les tirs mortels liés à des refus d’obtempérer se concentrent principalement sur les populations les plus contrôlées, en particulier les jeunes hommes racisés. Les chiffres montrent également que la police française est la plus meurtrière d’Europe. Sébastien Roche explique qu’en un an, en France, il y a eu 16 tirs mortels pour refus d’obtempérer contre 1 en Allemagne par exemple. Cette réalité rappelle le passé colonial de la France, où les populations colonisées étaient également considérées comme des « meubles » selon le Code noir de 1685, est encore présent.

Une histoire marquée par la répression et le racisme

Crédit photo: Chiguecky Ndengila

L’histoire de la France est marquée par de nombreux épisodes tragiques de répression et de racisme envers les populations racisées, allant des massacres en Guadeloupe en 1802 au massacre du camp militaire de Thiaroye en 1944, en passant par les massacres en Algérie en 1945, le massacre du 17 octobre 1961 à Paris, le massacre de Pointe-à-Pitre et des Abymes en 1967, et les décès de Malik Oussékine en 1986, de Zyed Benna et Bouna Traoré en 2005, d’Adama Traoré en 2016, et de Nahel en 2023.

Ainsi, la violence policière envers les personnes racisées n’est pas un phénomène isolé, mais plutôt le résultat d’une continuité historique profondément enracinée. Cette violence, loin d’être accidentelle, est régulée par le système étatique, avec des pratiques qui se reproduisent et se restructurent, depuis les brigades nord-africaines dans les bidonvilles jusqu’aux brigades anti-criminalité (BAC) dans les quartiers sensibles d’aujourd’hui.

Crédit photo: Chiguecky Ndengila

Crédit photo: Chiguecky Ndengila

Crédit photo : Chiguecky Ndengila

La Brigade Anti-Criminalité (BAC), créée en 1994 pour lutter contre la délinquance dans les quartiers populaires, incarne cette tension persistante entre la police et les communautés racisées. Ce qui avait pour vocation d’être une mesure de sécurité s’est progressivement transformé en une présence policière perçue comme oppressante. La BAC, régulièrement accusée de violences policières et de discriminations, a contribué à alimenter la méfiance grandissante entre les quartiers concernés et les autorités.

Les révélations d’enquêtes et de témoignages accablants ont mis en lumière l’ampleur du racisme institutionnel au sein de la police française. Ces révélations ont suscité un débat national autour de la nécessité de mener des réformes en profondeur au sein des institutions policières pour éradiquer ce racisme systémique.

Ce lien entre le passé colonial et les violences policières contemporaines montre comment le pouvoir policier assure la reproduction des dominations capitalistes, racistes et patriarcales dans la France contemporaine.

Vers une réforme profonde des institutions policières

Pour véritablement dépasser cet héritage colonial et lutter contre les violences policières, la société française doit reconnaître ces liens historiques, tout en s’engageant dans une réforme profonde des institutions policières. Il est temps de mettre fin à la déshumanisation des corps racisés et de travailler vers une France plus égalitaire et juste, où chaque individu est traité avec dignité et respect, indépendamment de sa couleur de peau.

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