Le métissage : de la déshumanisation à la fétichisation

Réunionnaise, Marine porte en elle l’héritage de ses ancêtres sud et est-asiatiques, chinois·es, afrodescendant·es et blanc·hes. C’est l’expérience des personnes métisses qui vivent dans un pays majoritairement non racisé qu’elle a souhaité mettre en avant dans son podcast. Ce contexte soulève des enjeux particuliers perceptibles par le choix même de la dénomination des personnes multiraciales, car comme le rappelle Marine, le terme métis est à la base utilisé en France pour parler des animaux et des plantes hybrides. Il a été transposé aux hommes et aux femmes pendant l’esclavage, période de déshumanisation ultime d’une partie de l’humanité, durant laquelle des relations pour beaucoup non consenties entre des maîtres blancs et des esclaves noires ont donné naissance à des personnes métissées. 

Aujourd’hui en France, quand on pense à une personne métisse, on imagine souvent une personne dont l’un des parents est blanc et l’autre noir. La figure de la personne métisse dans l’imaginaire collectif balaie complétement les métisses avec une identité asiatique, nord-africaine ou encore latino-américaine et blanche. À ce manque de diversité des métissages et donc des expériences, s’ajoutent une fétichisation des personnes métissées. Qui n’a jamais entendu dire que les métis·ses sont toujours beaux/belles, que le métissage c’est magnifique, l’avenir,  le meilleur des deux mondes ? 

Dans les pays à majorité blanche, la hiérarchisation raciale au sens sociologique du terme positionne les personnes métissées au-dessus des monoraciaux, leur permettant de jouir du colorisme. Ainsi, si on se penche sur l’industrie de la beauté, celle de la musique, du cinéma, ou encore de l’influence, les personnalités racisées les plus mises en avant restent celles qui correspondent le plus à des critères de beauté occidentaux, ce qui privilégie les personnes métissées. 

Marine qui vit désormais aux États-Unis explique comment selon où elle se situe, son métissage va être perçu de manière différente : “Aux Etats-Unis, t’es au-dessus des monoraciaux, mais tu reste en dessous des blancs. J’y suis devenue le token. J’ai compris ce que c’était qu’être métisse et pris conscience que j’avais joui du colorisme et qu’il fallait que je prenne conscience de mes privilèges et que je sois une alliée.”

“Si le métissage abolissait le racisme, ça se saurait !”

Dans son podcast, Marine explore la diversité des problématiques mais aussi des expériences des personnes métissées. Elles forment une diaspora importante qui doit être entendue et paradoxalement appartiennent à plusieurs et aucune communauté à la fois. Quand on est d’une même origine par nos deux parents et qu’on est né·e dans un pays étranger, on se pose beaucoup la question “est-ce que je suis 100% de ces deux pays ou 50/50 ?”. Mais quand nos parents n’ont même pas le même pays d’origine et qui plus est appartiennent à des groupes raciaux (au sens sociologique du terme) différents, la complexité de la question atteint un autre niveau. Et cette complexité est d’autant plus balayée et invilibilisée que dans l’imaginaire collectif de la France “black-blanc-beur”, le métissage serait le remède au racisme. Or, comme le rappelle Sophie dans le premier épisode du podcast Déballe ton métissage, “si le métissage abolissait le racisme, ça se saurait !”.

Comme l’évoquait Charline, créatrice du blog Mon fils en rose et métisse franco-chinoise, dans l’épisode de notre deuxième saison Histoires de déplacement, avoir l’un de ses parents blancs permet de bénéficier des codes du groupe dominant, mais ne garantit pas d’échapper au racisme intrafamilial, un phénomène dont on parle pourtant peu. 

Déballe ton métissage ou comment sortir de l’idéalisation autour du métissage

C’est son expérience traumatique du racisme qui a permis à Marine de nourrir ses réflexions jusqu’à produire un podcast qui propose une variété d’angles et d’expériences sur le métissage. Dans Déballe ton métissage, “on parle de racialisation, de traumatismes raciaux qui créent des dissociations d’identité et en aucun cas on dit que nos paroles ont valeur ultimes. On parle de notre expérience pour ouvrir la parole des personnes métissées en sachant qu’on parle de nos positions sans prendre l’espace dédié aux personnes monoraciales qui subissent des discrimination de manière tellement plus violente que nous.” Le podcast qui part de témoignages individuels pour soulever des failles systémiques s’adresse en particulier aux personnes métissées et aux personnes monoraciales qui auraient plus tard des enfants métissés pour leur fournir des points de réflexion et des clés de compréhension peu soulevées quand il est question de métissage.

La question du métissage est d’autant plus délicate qu’elle touche à quelque chose de très intime : la relation amoureuse. ”Il y a des gens qui ont une volonté d’avoir un enfant métis. Soit c’est du racisme, soit c’est du racisme intériorisé et être né·e de ça, c’est un trauma.  Il y a aussi des couples qui tombent amoureux et qui n’ont pas réfléchi à ça. Quand on a des enfants métis ensuite, qu’est-ce qu’on transmet ? Qu’est-ce que mon identité raciale signifie pour mon enfant ?”. La transmission, l’identité, l’héritage culturel, mais aussi historique, politique, symbolique restent au cœur des enjeux du multiculturalisme. C’est pourquoi des safe space comme Déballe ton métissage sont plus que nécessaire pour libérer la parole, prendre en compte nos vécus et prendre soin de notre santé mentale.

Le podcast Déballe ton Métissage est disponible sur toutes les plateformes de streaming. Vous pouvez aussi suivre l’actualité du podcast sur Instagram.